Lettre ouverte à Benoît FROMENT, DRH de CGI

mercredi 26 février 2020
par  mussen

Monsieur le DRH,
La CGT s’adresse à vous au sujet des libertés individuelles des salariés et plus particulièrement du port de signes visibles de conviction religieuse. Comme vous le savez, sur le site de La Défense, CGI a demandé à une salariée des Fonctions Centrales, sans contact avec des clients, d’adopter une tenue vestimentaire respectant le principe de neutralité énoncé dans l’article 9 du règlement intérieur. En cause : le port d’un turban (bien que curieusement les représentants de l’entreprise semblent employer beaucoup de périphrases pour ne pas prononcer ce mot).
Après un premier refus argumenté de la part de la salariée, la Direction est revenue à la charge le 4 février en exigeant qu’elle rentre immédiatement chez elle pour se changer. Sous le choc, cette salariée a dû quitter son poste de travail pour consulter la Médecine du Travail. Par ailleurs, elle donne entière satisfaction dans son travail et entretient d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie directe.
Sur le plan purement juridique, il n’y a aucune ambiguïté, le règlement intérieur restreint expressément l’application de la clause de neutralité aux seul·e·s salarié·e·s en contact avec la clientèle (article L 1321-2-1 du Code du Travail, renforcé par la notice explicative de l’arrêt de la Cour de Cassation du 22/11/2017 rendu après consultation de la Cour de Justice de l’Union Européenne). En dehors de ce cadre, toute restriction aux libertés individuelles exercée par l’employeur tombe sous le coup de l’article L 1121-1. Il s’agit ici de la liberté constitutionnelle d’adopter une religion et de manifester sa conviction. En 2018, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a conclu que le licenciement d’une salariée dans une situation similaire constituait une discrimination basée sur le genre et la religion. Il a constaté que ces faits font apparaitre une violation des articles 18 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques de l’ONU et a condamné l’état français.
Dès le 4 février, la CGT a demandé à être reçue, en compagnie de cette salariée, à des fins de conciliation. Nous souhaitions vous alerter d’une part sur le risque juridique encouru par l’entreprise d’être reconnue coupable de discrimination sexiste et religieuse et d’autre part sur le risque social de provoquer émoi, réprobation et peur de sanction disciplinaire chez les salarié·e·s. Souvent, ils et elles côtoient d’autres collègues salariées portant le turban ou le voile dans le respect et la tolérance réciproque, CGI véhiculant jusque-là une image plutôt positive et harmonieuse du vécu commun de la diversité. Nous voulions vous rappeler le droit et vous appeler au bon sens et à la raison. Nous connaissons déjà vos contre-arguments, leur poids juridique est très faible.
Pour première réponse, il n’y a eu qu’une convocation à entretien préalable à licenciement pour notre collègue.
Dans un deuxième temps et sur notre insistance, nous avons obtenu, d’abord d’être reçu par vous-même, puis le report de l’entretien préalable et enfin une rencontre avec la N+2 en compagnie de notre collègue, toujours sous la menace d’une sanction disciplinaire. Ces deux rendez-vous sont restés très tendus, nous avons ressenti une difficulté à être écoutés, un fort déni de notre argumentation juridique et une volonté farouche et inexplicable d’assumer le risque d’une discrimination en poursuivant la procédure disciplinaire.
Trois jours après, nous avons la conviction de ne pas avoir été entendus puisque l’entretien disciplinaire n’a pas été levé. Nous réitérons donc de nouveau par cette lettre, publiquement cette fois, notre appel au respect de la loi et à la raison. Vous ne pourrez prétendre ignorer notre argumentation juridique. En tant que DRH, il vous appartient d’assumer vos décisions et nous vous tenons pour responsable direct de toute discrimination basée sur le genre et la religion qui pourrait résulter d’une sanction disciplinaire. A partir de maintenant, ce qui va se passer, résultera donc d’une politique ouverte de l’entreprise sur ces questions-là.
La CGT-CGI


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