ALERTE : Plan de suppression d’emploi en vue à CGI

vendredi 5 juin 2020
par  Baldrick, Un syndiqué

Tom et Jerry revisité (c’est lequel qui gagne à la fin déjà ?)

1. La situation économique actuelle et ce qu’elle veut dire pour le travail

La crise du COVID-19, une opportunité pour le meilleur... ou pour le pire

La situation économique est sans précédent et offre une opportunité inédite de refonte de notre modèle économique et de notre vision du travail. Une refonte qui pourrait se faire au bénéfice de l’humain et de la nature, mais qui fait peur au patronat qui a d’autres plans...

C’est la crise. Oui, il est inutile de le nier, le confinement de la population dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 a des conséquences économiques et, à moins d’être fabricant de masques, de respirateurs ou de gel hydroalcoolique, cette conséquence est plutôt négative pour les finances à court terme.

La mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie nous a néanmoins donné l’opportunité de prendre du recul sur notre modèle économique, et de le voir sous un nouveau jour. Nous avons pu constater que ce qui fait tourner le pays, ce ne sont pas les enfilades de chiffres et d’opérations qui font crépiter les machines des bourses mondiales, mais bien les millions de travailleurs·euses qui se lèvent chaque matin pour aller à la besogne. Nous avons apprécié l’amélioration de la qualité de l’air quand notre rythme effréné s’est ralenti. Nous avons observé la nature reprendre ses droits à l’instant où nous lui en avons laissé l’opportunité. Nous avons ressenti l’absurdité d’un monde tourné vers l’accumulation de capital pour quelques uns, au détriment de la santé et du bien-être de tous. Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes convaincu·es qu’il est possible et nécessaire de mettre fin au diktat du capital et des actionnaires, au profit d’un modèle économique respectueux de l’humain et de la nature.

Cette “crise” que nous traversons est également une opportunité inédite de repenser le travail, son organisation et notre rapport à lui. A l’échelle de notre entreprise, l’expérience collective d’un télétravail à temps plein, parfois en doublon d’une nécessité de garde d’enfants et d’école à la maison, voire de garde-malade, nous ont appris que le télétravail est possible - mais pas n’importe comment. La suppression des déplacements domicile-travail, et le gain de temps associé, nous ont permis de réévaluer leur nécessité. Pour pallier à l’éloignement physique, nous avons dû inventer de nouvelles formes de socialisation par le travail, de nouvelles formes d’organisation. A l’échelle nationale, nous avons pris conscience de l’utilité sociale des métiers parmi les moins valorisés (éboueur, caissière, livreur, femme de ménage, ouvrier agricole, infirmière...). En fin de compte, c’est toute l’organisation du travail actuelle, ses règles, ses hiérarchies, que nous avons appris à remettre en question. Pourtant, dans le discours de la direction de notre entreprise, nous peinons à trouver l’écho de ces transfigurations.

Plan de sortie de crise

PLUS JAMAIS ÇA ! UN MONDE À RECONSTRUIRE
Consulter en ligne

Alors que les voix se multiplient pour enhardir l’idée d’une réorientation radicale de notre modèle économique, le MEDEF voudrait au contraire renforcer son modèle d’exploitation. Depuis le mois de mars, un peu grâce au gouvernement il faut le dire, le COVID-19 ressemble à l’affaire du siècle en matière de casse sociale : pose forcée des jours de repos, indisponibilité de la justice prud’homale, recours massif à l’activité partielle, refus abusifs d’arrêts pour garde d’enfants etc. On a même testé l’idée d’une suppression de congés payés, avant de la remettre au placard suite au tollé suscité ! Sans faire exception, notre direction nous annonce désormais qu’il va falloir tailler dans les effectifs. La survie de notre entreprise serait en jeu ? Non, loin de là...

2. La situation économique de CGI (spoiler : nous n’allons pas mettre la clé sous la porte)

CGI, malade imaginaire ou malade opportuniste ?

La situation financière de CGI est moins bien que ce qui était prévu, car l’entreprise subit un effet de décalage des commandes lié au confinement, et certains de nos clients sont dans le dur. CGI sera malgré tout une entreprise profitable sur la FY2020, et n’a pas de raison de craindre pour sa survie - bien au contraire.

C’est grave docteur ?

Non. La situation n’est pas grave, et encore moins désespérée.

Notre secteur d’activité n’est pas le plus impacté par la crise

Selon les observateurs économiques, l’IT demeure un marché structurellement en croissance. Hormis des exceptions comme le cas de l’aéronautique à Toulouse, il n’est pas en danger : la crise a principalement provoqué un effet de différé sur les prises de commandes qui devrait être rattrapé d’ici fin 2021 selon la banque de France. De plus, CGI affiche une des meilleures profitabilités du secteur.

La situation financière de CGI est dans le vert depuis plusieurs années.

Chez CGI, la situation financière est dans le vert depuis plusieurs années : Notre travail a permis de dégager des bénéfices aux alentours des 100 M€ ces 3 dernières années. Des provisions de risques devraient pouvoir lisser assez facilement les effets de la crise. La holding sait ponctionner 98,6% du magot quand ça va bien, un retour de solidarité dans les difficultés devrait être possible.

La situation économique actuelle de CGI est moins bien que prévu, mais elle n’est pas dramatique.

Chez CGI, la situation est moins florissante que prévu, mais sans être dramatique. Certes, l’entreprise subit un effet de décalage des commandes lié au confinement, et certains de nos clients sont dans le dur. Cependant, entre février (dernier mois complet avant la crise) et avril (premier mois complet confiné), la marge de CGI ne baisse que de 3 points tout en restant nettement au-dessus de 10%. D’ailleurs, lors de la première réunion de négociation sur le plan de suppression d’emploi, la Direction a confirmé que l’entreprise n’était aucunement menacée et restait profitable. Les marges actuelles ne sont ponctionnées que de 5% ce qui augure d’une profitabilité à 2 chiffres sur l’année.

CGI est bien aidée par l’Etat (activité partielle, financement de formations pour les personnes en AP etc.)

De plus, CGI bénéficie d’aides conséquentes de l’Etat : comme les médias ne cessent de la répéter, le niveau de prise en charge des salaires par le dispositif de l’activité partielle en France est sans égal. On peut l’évaluer à la louche à plus de 4 M€ par mois offerts par le contribuable à CGI pour préserver des emplois. Et ils voudraient en supprimer ?
Ainsi, quand CGI prétend qu’on ne peut supporter que 350 intercontrats (IC) et que 1300 personnes en activité partielle (AP) sont prévues en septembre, la direction oublie que 350 IC ce n’est que le minimum pour pouvoir répondre aux appels d’offre (CGI s’impose un plafond à 3% contre une norme Syntec au-delà de 10%), et que l’AP ne nous coûte presque rien. En fin de compte, ces 1300 personnes en activité partielle correspondent, en termes de coûts, à moins de 500 personnes en intercontrats ! Notons au passage que l’intercontrat lui-même a quasiment disparu depuis que CGI a recours à l’activité partielle. Vous avez dit bizarre ?

CGI ne prévoit pas de mettre la clé sous la porte (c’est le DRH qui l’a dit)

En somme, si le COVID-19 a provoqué un tsunami économique, alors CGI - très en retrait de la côte - ne se voit les pieds dans l’eau qu’à hauteur disons... de la moitié des semelles. Ce qui est bien avec la direction de CGI, c’est son discours de vérité - parfois bien malgré elle. C’est ainsi qu’au détour de plusieurs discussions nous avons appris, entre autres choses, qu’elle prévoit une participation sur les bénéfices en 2020, qu’elle travaille déjà à la stratégie de recrutement de 2021, que l’on a suffisamment de trésorerie pour tenir plusieurs mois dans le rouge si nécessaire…

Et maintenir solidairement 500 emplois, ce serait au-dessus de nos moyens ?

3. Sauver la marge ou les emplois ? CGI a fait son choix

Sauver la marge ou les emplois ? CGI a fait son choix

CGI a les moyens de ne pas supprimer d’emplois sans se mettre en danger, mais nos dirigeants préfèrent encore maximiser leur marge et envoyer la facture à Pôle Emploi.

CGI a les moyens de ne pas supprimer d’emploi.

On gagne de l’argent, on n’est pas menacés par un danger économique immédiat. La profitabilité est certes érodée par la crise mais elle est loin d’être mise à terre. D’autres solution sont possibles. CGI vient de dépenser, le 19 février dernier alors que le coronavirus circulait depuis déjà 3 mois, pour 400 M€ en rachat d’actions à la caisse de dépôt et de placement du Québec (voir ici). Ces rachats sont de la pure destruction de la richesse produite, totalement stériles pour le développement d’activité. Il ne s’agit que d’enrichir l’actionnaire. Et il n’y aurait pas assez d’argent pour maintenir l’emploi de 500 salarié·es malgré 4 M€/mois d’aide de l’état avec l’activité partielle ?

CGI présente le plan de réduction des effectifs comme nécessaire car, à ses yeux, il est nécessaire de maximiser sa marge

La seule motivation de CGI, c’est préserver la compétitivité, c’est-à-dire pour eux, la marge. La vérité, crise ou pas, c’est que la Ste-Marge bénéficiaire reste le GRAAL pour nos dirigeants. Les écritures saintes CGI, gravées dans le marbre des assises de gestion, disent : « inférieure à 15%, ta marge ne sera point ! » (1er commandement). En négociation, le DRH nous a sorti texto : on n’a pas le pouvoir de changer CGI !

Et à quoi sert cette marge ? A augmenter les salaires ? [insérer un rire nerveux] A investir ? Non ! 98,6% du résultat net est remonté au groupe l’an passé. Au niveau mondial, en 2 ans, 2 des 2,2 Mi$CAN de bénéfice net ont été consacrés au rachat d’actions, c’est-à-dire la rémunération des actionnaires (cf. Hérisson 68).

Le seul aiguillon de la direction est financier dans tous ses choix (activité partielle, télétravail, heures supplémentaires etc.)

On le voit, nos dirigeants ont les yeux rivés sur les tableaux de bord financiers. Ils n’envisagent de manipuler que le seul sempiternel curseur du “coût du travail” quel que soit le problème posé. Les marges baissent ? Il suffit de dégraisser la bête.

D’autres choix sont pourtant possibles.

Des tas de solutions sont possibles : rogner sur la marge pour faire souffler les forces productives, utiliser une part de celle-ci pour faire des investissements d’adaptation au “monde de demain” plutôt que de la livrer à 99% aux actionnaires (le coût du capital est exorbitant de nos jours), réorienter les activités de l’entreprise.
Le caractère conjoncturel de la crise suggère plutôt la mise en œuvre d’une intelligence sur l’adaptation des compétences au nouveau monde que chacun annonce. Si certains secteurs d’activité souffrent, d’autres présentent un avenir florissant, des opportunités d’une économie tournée vers un avenir durable et soutenable s’offrent à ceux qui sauront regarder au-delà de leur tableau de bord. On aurait mieux compris l’ouverture d’une négociation sur la Gestions des Emplois et des Parcours Professionnels pour tenir compte de la crise et lui faire face.

4. La peur de l’inconnu, un ressort pratique pour ne pas s’embarrasser de questions gênantes

Ceci est un test d’attention

La direction de CGI joue sur la peur pour éviter de se confronter à la réalité d’une situation économique qui ne justifie en rien une réduction d’effectifs. Ne nous laissons pas avoir.

Vous avez lu la bafouille de Laurent Gerin dans laquelle il annonce qu’il “étudie” la mise en œuvre de mesures de réduction des effectifs ? Vous avez perçu l’accélération de votre rythme cardiaque au fil du texte, vos mains devenir moites, votre concentration s’accroître ? Si oui, Laurent Gérin a réussi son pari, il vous a fait peur. Et il y a mis du cœur :

« nous vivons une crise sans précédent qui a de très lourds impacts »
« La situation sanitaire a généré une décroissance généralisée »
« les indicateurs sont au rouge et la majorité de nos clients sont touchés de plein fouet »

La direction de CGI a sorti la carte de la peur pour mieux faire passer la pilule de la suppression d’emplois. Quels sont les ressorts de cette petite entourloupe (car oui, il y a une entourloupe) ? C’est très simple, il suffit de raconter une histoire… mais pas toute l’histoire.

Ce qui est assez formidable dans la situation actuelle, c’est qu’en fonction de ce à quoi l’on fait attention, elle peut paraître catastrophique comme relativement confortable. Par exemple, si l’on regarde les résultats du mois de mai et que l’on s’attache au fait que l’on est loin des objectifs budgétés et à peine à l’équilibre, on peut être tenté·es de se dire, à l’image de Laurent Gérin, que la santé financière de l’entreprise ne tient qu’à un fil (à couper le beurre… ou plutôt les effectifs). A l’inverse, si l’on prend en compte le fait que les comptes sont dans le vert depuis des années, que l’entreprise dispose d’une réserve qui peut lui permettre de soutenir sans difficultés plusieurs mois de pertes, que malgré de derniers mois compliqués la FY2020 devrait s’achever sur de rondelets bénéfices… on est beaucoup moins inquiet·es.

Quel est donc l’intérêt de notre direction à user de ce genre d’astuces pour mettre en place son plan de réduction des effectifs ?

Il s’agit tout simplement d’éviter d’avoir à exposer ses réelles motivations.

Lorsque les salarié·es ne sont pas inquiet·es, c’est bien plus difficile de faire accepter une mesure choc. Les gens essaient de comprendre, posent des questions et, à force de creuser, ils finissent par découvrir le pot aux roses. Si elle jouait franc-jeu, la direction devrait admettre qu’elle utilise cette peur pour faire accepter une opération bien rentable, à savoir le sacrifice de plusieurs centaines d’emplois au profit de la Sainte-Marge. Parce qu’il faut bien le dire, une rupture conventionnelle collective c’est bien pratique pour se décharger de salarié·es sur Pôle Emploi, tout en gardant les mains libres pour embaucher dès que ça repart, si possible des profils plus jeunes, moins chers et mieux formés. En bref, le risque commercial est porté par les salarié·es et l’assurance chômage, et la marge est bien gardée.

Dis-donc CGI, c’est pas joli-joli de taper comme ça dans les caisses de la sécurité sociale quand les équipes “secteur public” sont une des locomotives de la maison…

5. Est-ce vraiment dans l’intérêt des salarié·es d’aller si vite ?

Chi va piano va sano

Le calendrier est là pour servir les intérêts de la direction et non des salarié·es, qui sont pris de court et ne peuvent ni s’organiser pour contrer le projet, ni se préparer efficacement à une éventuelle sortie de l’entreprise.

L’argument de la nécessité d’agir vite de la direction ne repose sur rien, la preuve :

A-t-on une difficulté économique qui justifierait une telle précipitation ? Les seuls chiffres fournis par la Direction ne démontrent pas un état d’urgence, la réponse est donc non.

Nous nous basons sur les chiffres publiés pour CGI monde pour le 2eme trimestre 2020, vous les trouverez ici. En résumé : revenu en hausse de 2% et bénéfice net de 314,8 millions $. Et vous, vous les voyez les difficultés économiques insurmontables ?

Les résultats des derniers mois montrent-ils que si CGI ne diminue pas ses effectifs alors nous mettons la clé sous la porte ? La réponse est non, certes les résultats des 2 derniers mois ont montré qu’il y avait un effet COVID mais rien, à ce jour, ne nous indique que CGI ne sera pas bénéficiaire à la fin de cette année fiscale. Peut être que, pour une fois, il n’y aura pas de contribution. A cela, nous disons juste “et alors… ?”.

CGI est-elle une petite entreprise sans trésorerie et incapable de surmonter la moindre petite épreuve ? Nous devrions pouvoir répondre non à cette question, mais nous avons parfois l’impression que la trésorerie chez CGI sert avant tout à verser des dividendes et non à conserver l’emploi…

La direction de CGI nous précise que le principal intérêt d’une réduction d’effectifs pliée pendant l’été sera d’être plus compétitifs à la rentrée. Nous qui nous imaginions que c’était la qualité de nos offres et de notre travail qui nous faisait gagner des missions ! Et dire que la direction avait cette recette magique dans son chapeau et que ça fait des années qu’elle délivre les ruptures conventionnelles au compte-goutte et nous fait gratter des propales…

Réorganisation

Pourquoi un calendrier aussi serré ?

Uniquement dans le but de démarrer le nouvel exercice fiscal sur la nouvelle base d’effectif, la FY2021 débutant le 1er octobre.

La question que nous nous posons est : les présentations des budgets pour FY2021 à la “haute direction”, qui sont effectuées avant l’été, anticipent elles déjà cette réduction des effectifs ? Nous espérons que la réponse est non.

Et du côté des conditions de départ des salarié·s, est-ce que cela ne représente pas un avantage ?

Le calendrier imposé par la direction prévoit que les salarié·es soient informé·es des modalités de participation à la rupture conventionnelle collective (RCC) début juillet, pour un examen des dossiers courant août. Cela signifie que les personnes concernées auront eu un mois pour prendre connaissance des conditions de départ, réfléchir à leurs options de sortie (nouvel emploi, reconversion professionnelle, projet familial etc.), prendre leur décision, monter et déposer un dossier de candidature. Et tout ça, en plein été et en pleine “crise sans précédent qui a de lourds impacts” avec une “décroissance généralisée”. Bon courage aux candidat·es !

En temps normal, un bon nombre des “lauréat·es” d’une RCC atterrissent à Pôle Emploi et font l’amère expérience du chômage. Dans le contexte actuel, il y a fort à parier que, malheureusement, un nombre plus important encore de nos collègues subisse le même sort.

6. Pourquoi un accord de Rupture Conventionnelle Collective est ce qui pourrait nous arriver de pire.

La RCC : le pire choix ?

La Rupture Conventionnelle Collective (RCC), malgré son nom, n’est qu’un plan social au rabais, utilisé par les entreprises pour se défausser de leurs responsabilités et contourner la procédure de licenciement.

La Rupture Conventionnelle Collective kesako ?

La rupture conventionnelle collective est l’une des mesures phare de la réforme du droit du travail issue des ordonnances du 22 septembre 2017. Elle n’est pas considérée comme un plan de licenciement et ne nécessite pas légalement de motif soumis à contrôle pour être mise en œuvre.
Elle permet à l’employeur de bénéficier d’une procédure plus rapide et plus souple qu’un plan de sauvegarde de l’emploi, et ce sans aucune obligation légale de reclassement ni de mécanisme de réembauche des personnes ayant quitté l’entreprise.
Elle nécessite cependant l’obtention d’un l’accord de 50% des syndicats et la validation administrative par la DIRECCTE. Elle oblige à s’en tenir au choix volontairement exprimé par les salarié·es.
Rappelons que la loi Travail n’a pas été mise en place dans l’intérêt des salarié·es, il s’agit avant tout d’un projet libéral, un cadeau fait au patronat, qui a consisté principalement à détricoter le droit du travail.

La hausse des RCC pour des raisons de compétitivité ?

On assiste à une montée en flèche des départs volontaires réalisés dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives justifiées (au yeux des entreprises) par des enjeux de compétitivité. Ces dernières mettent en avant leur volonté de réduire leurs coûts de production afin d’être davantage compétitives face à leurs concurrents. Tout en étant dans une dynamique de croissance économique, l’entreprise ne voit alors que sa perte de vitesse.
Dans le contexte de CGI, nous ne sommes pas dupes, la finalité d’une RCC est bien de maximiser la contribution (marge), après son attrition subie du fait du COVID-19 (on parle néanmoins d’une marge qui reste à 2 chiffres).

Volontaires

La RCC est moins protectrice qu’un plan de départ volontaire (PDV) ou plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)

La RCC n’est pas un dispositif conçu pour protéger l’emploi, mais pour faciliter la mise en place de plans de réduction des effectifs. A l’inverse, les PDV et PSE sont pensés pour favoriser le maintien dans l’emploi des salarié·es. C’est pourquoi la loi y adjoint des dispositions minimales beaucoup plus protectrices.

Par exemple, un PDV ou PSE impose la mise en place d’un congé de reclassement. Il s’agit d’un temps, d’une durée minimale de 4 mois (mais plutôt entre 12 et 18 mois dans les entreprises de la taille de CGI), pendant lequel le ou la salarié·e peut travailler à son reclassement professionnel avec la garantie d’un revenu assuré par l’employeur. Ce congé bénéficie d’un régime fiscal favorable, qui n’a pas d’équivalent dans une RCC et qui le rend donc difficilement transposable (car cela revient beaucoup plus cher à l’employeur).

Autre exemple, un PDV ou PSE s’accompagne d’un budget de formation dédié (de 15k€ à 18k€ par personne dans des entreprises du type de CGI), qui permet aux salarié·es de se former et de concrétiser plus facilement leur projet de reclassement. Avec une RCC, aucun budget de formation n’est obligatoire - il faut tout négocier.

En temps de crise, ces différences entre une RCC, un PDV et un PSE ne sont pas superflues.

Ça arrange bien les patrons que la “rupture conventionnelle” fasse moins peur que le “licenciement économique”

Dans l’imaginaire collectif, l’expression “licenciement économique” fait peur. Elle est rattachée aux drames vécus par de nombreux·euses travailleurs·euses privé·es d’emploi pour cause de délocalisation, faillites ou autre, qui font parfois la une des journaux.

A l’inverse, et à plus forte raison à CGI où l’on préfère pousser à la démission que licencier un·e salarié·e devenu·e encombrant·e, nous avons appris à voir comme quelque chose de positif le fait de s’en tirer avec une rupture conventionnelle, car elle permet au moins de toucher le chômage le temps de trouver un emploi. Cette perception “positive” de la rupture conventionnelle vient du fait qu’on la compare habituellement à la démission, qui n’ouvre aucun droit.

En pratique, une rupture conventionnelle est avant tout un licenciement au rabais, un moyen pour l’employeur de se prémunir d’une poursuite aux prud’hommes et de “rationaliser” le coût du licenciement, et pour le ou la salarié·e de s’épargner une longue procédure et de tourner la page.

L’employeur a donc beau jeu d’insister sur le caractère “volontaire” et “moins traumatisant” de la rupture conventionnelle - bien sûr, ça lui coûte moins cher, et lui évite un procès tout en donnant l’impression qu’il est “sympa et généreux”. Mais ne vous laissez pas berner : une rupture conventionnelle, c’est avant tout moins de droits qu’un licenciement. Sachez passer outre les idées reçues et voir où se trouve votre intérêt.

Une RCC ne nous protège pas d’un PDV ou PSE à venir

De la même manière que la direction argumente aujourd’hui pour dire qu’une RCC est la meilleure solution, car la situation économique n’est pas de nature à justifier un plan de départ volontaires ou un plan de sauvegarde de l’emploi, rien ne l’empêcherait de changer son fusil d’épaules dans quelques mois et de lancer une autre RCC ou un plan social si cela lui chantait.
En théorie, il est possible d’ajouter à l’accord de RCC une clause interdisant la mise en place d’un plan social durant une période définie. Néanmoins, tout dépend du bon vouloir de la direction sur ce point.

La direction veut faire passer la solution la moins disante socialement pour une fleur qu’elle nous fait

Bien que la RCC ne soit rien d’autre qu’un plan social au rabais visant à transformer le schmilblick en opération financière rentable, la direction voudrait nous faire croire qu’elle a fait le choix de la RCC pour notre bien à tous. Vous comprenez, c’est moins traumatisant qu’un licenciement (comprendre moins cher ndlr), et c’est sur la base du volontariat (ce qui est aussi possible avec un PDV ou PSE ndlr), et - caution ultime - on négocie les modalités avec les organisation syndicales (enfin, c’est une obligation légale sinon pas de RCC ndlr) et donc, nécessairement, c’est fait dans le plus grand respect des intérêts des salarié·es !

Mais qui sont ces organisations syndicales prêtes à signer un accord qui, comme nous venons de l’expliquer, ne peut pas être dans l’intérêt des salarié·es ?

7. Négociation ou mascarade ? État des lieux du dialogue social à CGI.

Dialogue social ou jeu d’échecs ?

Cette négociation est verrouillée et ne pourra pas permettre de négocier des conditions de sortie avantageuses pour les salarié·es, mais au mieux de limiter la casse.

Dialogue social : allo quoi !!

Pour tou·tes celles et ceux qui ont pu suivre la mise en place des dernières élections et qui suivent l’avancée des différentes négociations, cela ne fait aucun doute : le dialogue social s’est fortement dégradé ces dernières années.

La direction de CGI n’hésite pas à faire feu de tout bois pour arriver à ses fins. Actuellement, tou·tes les candidat·es aux dernières élections de tous les CSE de CGI France ont reçu une convocation de justice pour contestation des résultats, procédure engagée par la Direction parce qu’elle n’est pas d’accord avec le périmètre des CSE décidé… par la justice.

La direction reste sourde aux différentes revendications des salarié·es. La dernière NAO (négociation annuelle obligatoire) s’est soldée par un cuisant échec, aucune organisation syndicale n’ayant accepté d’apposer leur signature au texte concédé par la direction.

De la même manière, la dernière négociation QVT (qualité de vie au travail) s’est soldée par un échec, le texte concédé par la direction n’étant pas à la hauteur.

La négociation devant porter sur la mise en place d’un compte épargne temps s’est soldée par… la reconduite du dispositif actuel (qui n’est pas vraiment un compte épargne temps) avec la possibilité d’y placer 1 jour de plus. Certaines organisations syndicales ont osé parler de victoire. On vous laisse juges.

Dans la série “le dialogue social pour les nul”, la directrice des relations sociales a été remerciée en début d’année et remplacée par… un “manager de transition”, c’est une prestataire de service en “mission” à CGI.

Non, décidément, le dialogue social est en berne et cela nous inquiète fortement dans un moment aussi délicat qu’important pour la survie de nos emplois.

Une négociation gagnante à tous les coups… mais pas pour les salarié·es

Pour ce plan de réduction des effectifs, la direction de CGI veut une solution simple, rapide et la moins coûteuse possible. Elle a donc conçu les négociations pour atteindre son objectif dans tous les cas de figure.

La direction a deux solutions pour répondre efficacement à ses contraintes de délais et de coûts. La première, et la meilleure à ses yeux, la rupture conventionnelle collective (RCC). La seconde, le plan de départs volontaires (PDV). Elle a donc proposé une négociation sur un accord RCC spécifiquement (elle exclut d’emblée toute autre solution pour fermer les débats sur le sujet) et dans un délai très court (15 jours) qui lui permet de rester dans les temps si elle se voit finalement contrainte à imposer un PDV (parce qu’elle sent qu’elle ne pourra pas obtenir d’accord pour une RCC ou alors un accord à un prix trop élevé par rapport aux gains attendus). Ainsi, quelle que soit l’issue des négociations, la direction en sort gagnante.

Par exemple, si les syndicats acceptent de signer un accord RCC peu contraignant pour l’entreprise, la direction atteint l’ensemble de ses objectifs de façon optimale (plan social rapide, peu cher, et qui plus est en pouvant se targuer d’avoir l’accord des salarié·es). A l’inverse, si les syndicats refusent de négocier une RCC qu’ils jugent inacceptable, ou exigent des conditions très protectrices pour les salarié·es, la direction n’a plus qu’à imposer un PDV unilatéralement et atteindre ses objectifs en limitant les coûts.

Que faut-il en conclure ? Que la direction aimerait que l’on perde notre temps à négocier des cacahuètes dans le cadre d’un accord RCC, plutôt que défendre efficacement les intérêts des salarié·es.

A la CGT-CGI, nous estimons que l’intérêt des salarié·es repose dans :

  1. Le maintien des emplois ;
  2. Si nécessaire, la mise en place d’un plan de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP ou GPEC) ;
  3. Si la direction continue à vouloir préserver la marge plutôt que les emplois, qu’elle ait au moins la décence de le faire dans le respect des salarié·es en proposant une négociation sur un plan de départ volontaire (PDV), et non une rupture conventionnelle collective (RCC).

8. Qu’est-ce qui cloche dans l’argument du volontariat porté par la direction de CGI ?

Vous reprendez bien une "tite pression ! ?

Si certain·es salarié·es se porteraient volontaires pour quitter l’entreprise et verraient ce plan de réduction des effectifs comme une aubaine, la réalité est que de nombreux·ses collègues seront insidieusement poussé·es vers la sortie dans des conditions inutilement précaires.

Que les volontaires désigné·es lèvent la main !!

Comment concevoir le volontariat quand la situation semble tendue ?

Certain·es salarié·es, mis·es en difficulté par leur hiérarchie, via des pratiques managériales douteuses, des logiques de placardisation et de dévalorisation ou, plus récemment, le refus d’arrêt pour garde d’enfants, pourraient se sentir poussé·es vers la sortie.

Les budgets de formations de plus en plus réduits chaque année n’ont pas permis à une partie des salarié·es de pouvoir se former sur de nouvelles technologies et ainsi de conserver leur employabilité.

L’accord GPEC (gestion prévisionnelle des emploi et des compétences) arrivé à échéance en 2019 et qui doit être remplacé par un accord GEPP, n’a pas été suivi d’effet car il n’y avait pas de volonté au sein de CGI. Ainsi, en plus de 3 ans, aucun outil n’a été mis en place pour recenser les compétences des salarié·es afin de pouvoir proposer des formations pour contribuer au développement de chacun et ainsi maintenir l’emploi.

Vous nous avez remonté des pressions importantes de vos managers pendant cette période d’isolement alors comment ne pas craindre des tentatives de déstabilisation qui pousseraient certains ou certaines à un départ “volontaire” non souhaité. Comment juger le caractère “volontaire” dans une RCC ?

Pour une société comme CGI qui refuse, par principe, la rupture conventionnelle, et qui préfère dans ce cas pousser le ou la salarié·e à la démission, la mise en place d’une RCC ne doit pas faire oublier que trop de salarié·es ces dernières années ont dû partir pour s’extirper d’une situation difficile sans aucune contrepartie.

Le volontariat est d’autant plus discutable que CGI envisage, pour les personnes aux profils indésirables qui ne partiraient pas d’elles-mêmes dans le cadre de la RCC, “un repositionnement”.

Alors pression or not pression ?


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